“ Le sommeil ne se commande pas, il est intimement lié à la vie psychique et à son mystère…” – L’enfant et la crèche de C. Athanassiou et A. Jouvet, Ed.
Césura Lyon, 1999
Cette citation résume parfaitement la problématique du sommeil en général et en particulier à la crèche. Pour s’endormir, le bébé fait l’épreuve de la séparation avec le monde extérieur ce qui peut raviver son sentiment d’angoisse d’être seul. Les premiers mois de sa vie, en présence de ses parents, le bébé développe un cadre et des habitudes d’endormissement. En arrivant à la crèche, dans un lieu inconnu avec de nouvelles personnes, de nouvelles odeurs, de nouveaux bruits, le bébé vit un véritable bouleversement émotionnel et psychique. Face aux changements, il a besoin de continuité dans les soins c’est à dire qu’il a besoin que ses habitudes de vie soient prolongées à la crèche, d’où l’importance des échanges avec les parents afin de s’adapter au mieux. Peu à peu, se tissent des liens d’attachement entre les professionnelles et le bébé : cet attachement va lui permettre de se sentir en confiance en l’absence de ses parents. Ce sentiment continu d’exister permet au bébé de lâcher prise et de s’endormir sereinement mais c’est un processus qui peut parfois s’avérer long et difficile.
Au Cocon, l’équipe a une attention et une empathie adaptées à chaque bébé : l’observation et la connaissance des signes de fatigue, de ses habitudes, permet un accompagnement individualisé. Ce n’est pas le bébé qui doit s’adapter au fonctionnement de la crèche mais bien nous qui devons s’adapter à chaque bébé. Ainsi, lorsqu’un bébé présente des signes de fatigue quelques minutes avant le repas, les professionnelles vont répondre à son besoin : son repas sera conservé au chaud et une professionnelle sera toujours disponible pour lui donner à manger à son réveil. De même, si des bébés s’endorment seul dans leur lit, d’autres ont besoin de la présence ou d’un mode d’endormissement particulier : en poussette, dans les bras, en écharpe de portage, sur le tapis. Cet accompagnement individualisé demande alors une grande disponibilité psychique, de l’adaptabilité, de la patience, du calme et de la souplesse. Notre quotidien nous montre que chaque jour est différent : ce qui peut fonctionner un jour peut être différent le lendemain ou le jour même. De plus, ce qui correspond aux besoins du bébé pendant plusieurs jours voire plusieurs mois peut brutalement changer : le bébé peut être douloureux, vivre des changements à la maison ou ses besoins physiologiques et psychiques peuvent également évoluer. Le holding conceptualisé par Winnicott, c’est à dire la capacité à porter physiquement et psychiquement un bébé est essentiel : ce besoin de contenance passe par la bienveillance dans le regard et la parole, la façon de porter, de bercer le bébé. Parfois l’endormissement peut durer : pour des raisons que nous ne maîtrisons pas, à ce moment-là avec telle professionnelle, le bébé ne parvient pas à s’endormir ou il peut ressentir les difficultés de la professionnelle. La force de notre équipe est basée sur la communication et le droit au passage de relai sans peur du jugement : ce n’est nullement perçu ou vécu comme une remise en cause des compétences professionnelles ou comme un échec : seul le bien-être du bébé prime. Ce passage de relai est toujours verbalisé au bébé afin qu’il ne ressente pas une rupture dans la relation avec la professionnelle et que la transition soit la plus sereine possible. Cette adaptabilité aux besoins concerne également la section des plus âgés. Depuis plusieurs jours, deux enfants rencontrent des troubles de l’endormissement et sont accueillis au Cocon : cela
demande parfois un décalage des pauses ou un soutien d’autres professionnelles. Parfois ils ont besoin d’être bercés dans la poussette, parfois ils s’endorment sur un matelas dans la salle ; parfois ils s’endorment après le goûter, parfois ils ne font pas du tout la sieste et nous devons donc accepter notre impuissance afin de ne pas créer une relation conflictuelle et néfaste pour le bien-être de l’enfant.
Un bébé endormi dans une écharpe ou dans une poussette ne lui donnera pas de “mauvaises habitudes” : il ne va pas nécessairement en avoir besoin tout au long de son aventure à la crèche. Nous gardons toujours en tête qu’il est important de faire confiance à l’enfant dans sa capacité à s’endormir seul dans son lit, dans sa capacité à trouver en lui les ressources nécessaires qui le sécuriseront mais parfois il lui faut tout simplement du temps. Notre expérience renforce nos convictions : ainsi, des enfants qui étaient au Cocon l’année dernière et qui avaient des difficultés d’endormissement s’endorment à présent sans difficulté dans leur lit.
Notre rôle est donc de répondre de manière adaptée aux besoins de sécurité affective de chaque enfant en nous réinventant chaque jour.
Anne-Laure, adjointe à la direction du multi-accueil des Bidibulles